Le shutdown paralyse la recherche en Antarctique

Un laboratoire international de 14 millions de km² aux conditions exceptionnelles

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Carte des sites et vaisseaux de recherche de l’United States Antarctic Program

L’Antarctique est un emblème de la recherche scientifique : après sa découverte, ce continent du pôle sud s’est historiquement construit comme un immense laboratoire de recherche planétaire. Le Traité de l’Antarctique a été signé initialement par 12 nations et est entré en vigueur en 1961. Depuis cette date, personne ne peut prétendre détenir ces terres, et elles profitent de nombreuses et puissantes règles de préservation : toute action militaire est interdite, la coopération internationale est vivement soutenue, la faune, la flore, les espaces et les océans sont protégés, et l’innovation scientifique y est plébiscitée. Aujourd’hui, 30 nations sont membres du Traité de l’Antarctique et y exercent des missions de recherche scientifique.

La recherche, cible principale du shutdown

L’annonce du shutdown du gouvernement des États-Unis il y a maintenant 9 jours avait déjà rapidement fait réagir la communauté scientifique : l’immense majorité des programmes de recherche ont été brutalement suspendus (notamment en météorologie), provoquant de fortes inquiétudes quant à la validité des observations. Si la plupart des organismes ont réussi à s’organiser grâce à des financements de secours, tous insistent clairement sur le fait que ces stratégies ne peuvent être assurées qu’à très court-terme. La plupart devront cesser drastiquement leurs activités si aucune solution financière n’est votée dans les prochains jours.

Hier, mardi 8 octobre, c’est donc une lourde annonce qui a été faite par la National Science Fundation (NSF) des États-Unis : la saison de recherche scientifique en Antarctique est suspendue. Une équipe minimale sera présente pour assurer le maintien des structures implantées et les services engageant la sécurité des personnes et des biens. Tous les autres employés seront rapatriés. Un véritable coup dur pour la recherche américaine, mais aussi et surtout la recherche internationale puisque les activités en Antarctique sont toutes en étroite collaborations avec l’ensemble des nations participantes. Les États-Unis permettaient notamment la mise en place d’importants moyens logistiques.

Une catastrophe scientifique et économique

Tous les chercheurs le savent : ces quelques jours de dysfonctionnement auront un impact bien plus étendu. Les recherches en Antarctique sont fortement contraintes par le calendrier, essentiellement pour des raisons de climat. En ce moment, le printemps est en cours sur le pôle sud, ouvrant la période de conditions météorologiques favorables à de nombreuses études : il fait jour et les températures deviennent moins extrêmes. La faune et la flore régionale dépendent considérablement de ce cycle saisonnier, tout comme la couche de glace ou l’état de l’atmosphère polaire. La fenêtre saisonnière d’intervention en Antarctique est parfois très courte en fonction des recherches menées : ainsi, l’impossibilité de mettre en place les études sur cette courte période peut annuler une année entière de recherche. la NSF explique que malgré toutes les stratégies qu’elle élabore pour relancer rapidement ses activités lorsque ce sera possible, certaines études ne pourront clairement plus être mises en place. La suspension des missions américaines en Antarctique compromet à la fois l’observation d’événements ponctuels, les programmes de recherche à long-terme, et par conséquent la validité et la crédibilité des études menées : des suivis sur plus de 20 ans risquent d’être invalidés si une année d’observations est tronquée.

Face à cette décision, les chercheurs ne cachent pas leur amertume. Il s’agit non seulement d’une catastrophe scientifique, mais aussi d’un gaspillage économique considérable. Tous les frais logistiques déjà engagés pour préparer ces études n’auront servis à rien, auxquels s’ajoutent ceux du rapatriement du personnel. Ross Powel, géologue responsable du projet WISSARD – la première expédition de forage pour découvrir la vie dans un lac sous-terrain d’Antarctique – explique au journal LiveScience que 10 millions de dollars ont été investis par la NSF pour ce projet, sans compter les heures d’exploitation sur place. C’est près de la moitié du budget de la mission qui sera tout simplement perdu.

Les recherches en Antarctique sont précieuses pour une grande majorité des domaines. Météorologie, climatologie, océanographie, géophysique, sciences du système terre, écologie, zoologie, chimie, … Les conditions exceptionnelles de cette région du globe permettent des études scientifiques uniques. Si le rôle de l’Antarctique sur la planète demande encore a être largement étudié, son rôle sur l’avancée scientifique mondiale n’est plus à démontrer.

A écouter : « même l’Antarctique ressent les effets du shutdown du gouvernement » – en anglais, sur la National Public Radio

Sources : AFP | Nature Blogs | E&E | NPR | NBC News |United States Antarctic Program

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