Prévoir le temps est un vrai casse-tête, et il atteint sûrement son paroxysme quand on veut prévoir des orages. Justement, le printemps vient de faire son retour, la température grimpe et les dégradations orageuses vont enfin pouvoir déranger ce calme un peu trop plat !
Mais ce qui intéresse la population n’est pas vraiment de savoir à quelle température seront les nuages ; c’est surtout le risque qu’ils représentent. Pas d’bol pour les gens qui veulent communiquer les prévisions de risque orageux : il faut à la fois intégrer la complexité des prévisions des orages et celle de la notion de risque ! C’est un des objets principaux de nos travaux, et pour cette nouvelle saison 2015, on vous présente quelques nouveautés.
Commençons par les modifications les plus légères. Nos points sur la situation météo, utilisés lors des suivis en direct, ont aussi eu droit à un petit lifting. Le système de base, des zones orageuses qualifiées par l’intensité des risques immédiats, reste inchangé. Toutefois, les couleurs ont été légèrement modifiées, et la densité de population a été intégrée pour mieux représenter le danger. La prévision a très court-terme est aussi introduite en affichant seulement les communes des départements qui risquent d’être concernés par des orages dans l’heure à venir. L’échelon bas a aussi été précisé.
Comparaison des points météo version 2014 à gauche et 2015 à droite ; les dégradés gris qui marquent l’historique n’apparaissent pas dans la version 2015 mais seront bien conservés.
L’année dernière, on utilisait une carte qui synthétisait les prévisions de risque orageux de 3 organismes indépendants : les vigilances de Météo-France, les zones de risques orageux de Keraunos, et celles à l’échelle européenne d’Estofex. Son objectif est de réunir différentes prévisions de référence en une seule visualisation pour mieux considérer les incertitudes qui peuvent exister lors d’un épisode orageux, tout en informant sur l’intensité des phénomènes attendus. Mais croiser des zones décomposées en 3 niveaux d’une part et 4 niveaux d’autre part tout en identifiant toutes les combinaisons possibles, c’est déjà un exercice difficile. Très vite, l’information se complexifie, et la carte risque d’être illisible. On a déjà fait évolué plusieurs fois cette carte pour qu’elle devienne plus lisible, et incontestablement, il y a eu du progrès … On avait donné une échelle de couleurs orangées pour Keraunos et un échelle de couleurs bleutées pour Estofex ce qui permettait de bien différencier les deux, mais les fusions de couleurs entre les deux restaient difficiles à intégrer dans une hiérarchie des risques. En bref, on avait trop de couleurs et on ne savait plus trop à quoi elles correspondaient.
Exemple de synthèse des prévisions du risque orageux de l’année dernière (20 juillet 2014)
Cette année, la carte de synthèse des prévisions des risques orageux a considérablement changé. Le système de couleurs pour symboliser le niveau de risque a été abandonné et remplacé par des nuances de gris pour Keraunos, et des motifs pointillés plus ou moins denses pour Estofex. L’objectif est de renforcer l’uniformité du code qui représente le niveau de risque, tout en identifiant nettement chaque prévision.
Pour Météo-France, on a récupéré l’affichage qu’on a développé cet hiver pour les cartes de vigilances. La visualisation est plus claire et plus économe, tout en intégrant en plus les vigilances autres que les vigilances orages, ce qui peut être utile lorsque Météo-France préfère lancer une vigilance pluie-inondation plutôt qu’une vigilance orages dans le cas d’orages très pluvieux.
Le fond de carte a lui été changé pour avoir des limites bien plus fines et précises. Seules les régions y figurent pour avoir des repères visuels plus rapides ; les départements sont suggérés par les vigilances de Météo-France et il ne nous semble pas nécessaire d’en rappeler les limites car ils n’apporteraient pas une plus grande compréhension.
En revanche, on a intégré la densité de population par communes. Cette donnée permet de mieux considérer le risque en tant qu’aléa météorologique en interaction avec la société.
Enfin, le temps a pu être représenté directement sur la carte avec des variations de couleurs en correspondance avec les moments de la journée. Cette donnée n’apparait que très rarement sur les cartes. La plupart du temps, il est nécessaire de lire et/ou écouter le bulletin détaillé pour comprendre la chronologie prévue. L’intégration du temps dans la cartographie du risque orageux ouvre plusieurs perspectives intéressantes, et permet notamment de mettre en évidence les épisodes orageux qui s’organisent en plusieurs passages successifs. Le code couleurs pourra encore être affiné au fur et à mesure de nos explorations sur cette nouvelle visualisation.
On vous propose de découvrir cette nouvelle visualisation en faisant un peu d’histoire ! Six prévisions d’épisodes orageux marquants de l’année 2014 ont été re-cartographiées avec notre nouvelle visualisation. C’est en plus l’occasion de nous rafraîchir la mémoire et remettre en place quelques souvenirs qui seront bien utiles pour se préparer aux orages de cette année :).
Le 8 juin 2014, une dépression campe au large des côtes atlantiques et draine un air tropical sur l’ensemble de la France. Les températures dépassent les 30°C mais l’atmosphère est particulièrement instable et de nombreux déclenchements orageux sont prévus sur plusieurs jours, boostés par un courant jet rapide et perturbé en altitude orienté vers le nord-nord-est. Le dimanche 8 juin, on prévoit des orages localisés mais violents en fin d’après-midi et soirée sur le nord, avant l’arrivée d’une deuxième vague d’orages qui se constituent sur la façade Atlantique en cours de nuit. Cet épisode a été remarquable par le nombre de supercellules : presque tous les orages qui se sont formés au nord de la Seine ont évolué en supercellules en durant parfois plusieurs heures en s’évacuant vers la Belgique.
Lire la prévision du 8 juin 2014 – Lire le suivi en direct du 8 juin 2014
Le lendemain, le 9 juin, tous les voyants sont au rouge, on se prépare à la plus grosse dégradation orageuse de l’année. Malgré les orages des jours précédents, l’air chaud est constamment renouvelé par le sud. Avec l’arrivée d’air plus froid en altitude, des valeurs d’énergie potentielle de convection disponibles entre 4000 et 5000 J/kg sont prévues. La dépression Atlantique à l’ouest se reconnecte à la circulation d’ouest en est, formant un thalweg qui va se décaler vers le nord-est en basculant en soirée. Deux forçages sont prévus, l’un au nord dans l’après-midi, puis l’autre plus massif en soirée depuis les côtes Atlantiques en remontant vers la Belgique. Dès le début de l’après-midi, on observe des orages isolés du Limousin à la Normandie. Une puissante supercellule très durable travers les régions centrales, puis les orages se forment en Normandie et se dirigent vers la Belgique. Des orages se forment le long des côtes et s’organisent en une ligne active en cours de nuit, provoquant notamment de très fortes chutes de grêle.
Lire la prévision du 09/06/14 – Lire le suivi en direct du 09/07/14
Le vendredi 4 juillet, une dépression remonte depuis l’Espagne vers les Alpes et provoque un afflux important d’air chaud et humide sur le sud-est, alors que le sud-ouest vient de connaître des pluies très abondantes. On attend d’une part la formation d’orages modérés de l’Aquitaine à la Normandie, se décalant ensuite vers le nord-est, d’autre part de puissants orages sur les côtes méditerranéennes se propageant ensuite vers la Bourgogne et le Jura. En soirée, un système linéaire bien actif s’est constitué en PACA, puis l’activité principale s’est étendue en région Rhône-Alpes et en Franche-Comté.
Lire la prévision du 4 juillet 2014 – Lire le suivi en direct du 4 juillet 2014
Le 18 juillet, des températures très élevées concernent la France, souvent supérieures à 35°C. L’air devient instable sur l’ouest, mais les orages ne se forment pas grâce à une inhibition convective encore élevée. Les prévisions s’accordent toute sur un risque d’orages violents des côtes Atlantiques à la Normandie dans une énergie potentielle de convection disponible entre 3000 et 5000 j/kg. On prévoit l’organisation de supercellules dans l’après-midi, puis la constitution d’un MCS très actif remontant vers le nord en début de nuit. Mais au moment venu, il s’agit nettement d’un flop : l’air est finalement trop sec en basse couche, et les orages qui parviennent à se former s’initient depuis les moyennes couches, réduisant considérablement leur puissance. Quelques cellules parviennent temporairement à s’organiser, mais s’affaiblissent rapidement, et aucun MCS ne parvient à se constituer. De surcroît, des orages non prévus se sont formés en soirée en Haute-Normandie et sont devenus forts avec de violentes rafales, des chutes de grêle et un foudroiement intense le long des côtes de la Manche.
Lire la prévision du 18/07/14 – Lire le suivi en direct du 18/07/14
Le 19 juillet, de nouveaux orages sont prévus. Le flop de la veille rend la prévision particulièrement difficile : les modèles météo réagissent très mal et divergent énormément dans leurs scénarios, la prévision se fait donc pleine de méfiance et la communication du risque est aussi marquée par l’incertitude. En matinée, le courant jet orienté vers le nord qui surplombe l’ouest du pays est encore continu, alors qu’on attendait qu’il se brise la veille. En conséquence, cette brisure de jet est finalement prévue lors de sa remontée vers le nord, où les forçages dynamiques sont prévus les plus importants. Une deuxième ondulation est aussi prévue avec une deuxième brisure de jet. La dynamique est particulièrement complexe, avec un potentiel élevé, mais difficile à prévoir. Deux vagues d’orages sont annoncées : l’une, dès l’après-midi, depuis le nord-ouest vers la Belgique. L’autre, en soirée, sur le sud-ouest, remontant dans la nuit vers la Belgique. La prévision se confirme cette fois-ci : des orages violents travers les régions du nord avec des structures arquées provoquant de violentes rafales, puis de nouveaux orages virulents s’organisent entre l’Aquitaine et le Centre dans la nuit.
Lire la prévision du 19/07/14 – Lire le suivi en direct du 19/07/14
Le 8 août 2014, de l’air chaud est brutalement propulsé sur la France par un thalweg qui remonte vers la Manche en soirée. Une première impulsion est prévue au nord de la Seine avec des orages très actif en arrivant vers la Champagne-Ardennes, si toutefois la couche nuageuse sur le nord-ouest se dissipe. Un deuxième axe, bien plus large et dans la continuité des orages du nord, doit se former des Pyrénées à la Lorraine, avec un risque de très violentes rafales de vent présent mais encore assez incertain. Dans l’après-midi, les fortes pluies sur le nord-ouest se maintiennent et ne se dissipent que trop tard, empêchant toute formation orageuse importante sur le nord. En revanche, l’activité orageuse augmente rapidement des Pyrénées au Centre, et les orages s’organisent en un vaste système linéaire en soirée. Sa partie sud qui balaye les Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon jusqu’en PACA produit un Derecho.
Lire la prévision du 08/08/14 – Lire le suivi en direct du 08/08/14